Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« LIBRES ? | Page d'accueil | La justice prend parfois de bonnes décisions. »

lundi, 21 janvier 2008

VIRGIBRI A GAGNE !

Le prix accordé à la gagnante du quiz sur Ed le Cheval qui parle était le droit de publier une note sur mon blog. L'interactivité est à la mode dans l'éducation nationale, et donc cela s'imposait. Voici donc pour mon et votre plus grand plaisir une nouvelle écrite par Virgibri en 1994, et dont elle nous fait cadeau. A lire, à savourer, à méditer, à conserver si le coeur vous en dit.

La femme d’en face

Elle s’est mise un peu en retrait, dans sa chambre. Ses invités s’amusent dans le salon. Elle tire le rideau de la fenêtre. Et elle regarde.
Il est déjà trop tard : dehors,  les lampadaires sont allumés ; les maisons dorment. Mais non. En face, dans une chambre, une vieille dame au regard fixe est accoudée à la balustrade. Une vieille dame en chemise de nuit qui s’apprête à aller se coucher. C’est fascinant de la regarder, de l’examiner, de la voir évoluer dans cette chambre, dans la maison d’en face. C’est fascinant de voir, alors que ses invités continuent de rire et de crier, son visage plein de creux, de rivières, et ses cheveux mal noués en une natte. Et la nuit au-dessus de cette petite lumière. Mais non. Soudain, la vieille dame se dirige vers son lit et éteint la lumière. La maison se retrouve plongée dans le noir, maintenant. C’était fascinant de voir cette vieille femme se coucher dans la nuit, seule. Il faut pourtant qu’elle aille rejoindre ses invités, dans le salon, et rire.
Elle a encore l’âge de rire. Encore un peu de temps avant d’aller se coucher, seule, dans le noir. Elle passe la tête dans le couloir sombre ; les sons, les rires se rapprochent. Sa main sur la poignée de porte tremble ; des exclamations l’accueillent, on t’attendait, que faisais-tu, où étais-tu passée. Un toast. Obligée de sourire.
Elle a l’impression que le temps lui échappe soudain. Toujours. Il lui a toujours échappé. Un sablier qu’une main invisible et éternelle ne cesse de retourner invariablement. Des grains de sable perdus. Ceux qui restent s’enfuient déjà, à peine a-t-on hurlé, le dos au sablier.
Les gens autour d’elle passent alternativement au ralenti et à grande vitesse. Elle ne les voit pas dans le présent. Ils lui échappent, eux aussi.
Et la vieille dame ne dort peut-être pas. Elle a peut-être les yeux grand ouverts, dans le noir. Juste une petite lumière au fond du regard, la lumière des souvenirs. Juste une infime lumière sur la joue, celle des regrets. Une vie entière condensée en cette femme qui pleure sans doute au fond d’une chambre sombre dans laquelle elle ne peut plus dormir. Des fantômes, des images mortes y demeurent. Des gens qu’on ne voit plus, des êtres à qui l’on n’a jamais dit qu’on les aimait ; des paroles et des gestes fixes. Des joies et des regrets de toute une vie.
Les invités s’amusent. Un verre à la main, ils s’évaporent comme les bulles de leur champagne. Etre une eau pure, une source éternelle qui sourd d’une terre inconnue, au fin fond d’une forêt claire où les amoureux viennent s’asseoir. Etre source d’images et de souvenirs pour les autres. Des images vives.
Mais tout file avec le vent. L’ouragan du temps emporte l’univers. L’œil du cyclone est trop loin. On naît, on vit, on meurt ; on a aimé. Si vite. Trop rapide. On se succède. Personne n’a encore gagné le duel contre le Temps. Pas à armes égales.
La vieille dame a dû déclarer forfait. Seul, on ne peut se battre.
Les invités commencent à s’en aller. La salle se vide ; il ne reste plus que des plats un peu sales, des verres encore humides, des nappes froissées, des marques de pas sur la moquette. Il n’y a plus de rires. Elle est seule, en pleine lumière, seule avec elle-même. Et des images. Et des joies et des regrets. Dans quelques années, il y aura les mêmes images, les mêmes joies et les mêmes regrets. Mais ils s’éclateront sur les murs d’une chambre sombre, plongée dans le noir, quand elle sera dans son lit bien fait, trop vaste pour elle, les yeux ouverts, la natte défaite. Et quand une jeune femme la regardera de l’immeuble d’en face, dans le noir. 

                                                                                                                                 Virgibri, novembre 1994.

cdf5fbe73f24892a0208ef32aed8521f.jpg

 

Commentaires

Je lis pas parce que j'ai peur que si j'aime pas on me traite encore de désagréable !!!

Mais non... c'est juste que j'ai pas le temps, je lirai demain, et si j'aime pas JE DIRAI RIEN, parole !

Et pis, je suis de mauvais poil...
Z'avez réussi à me contaminer avec vos humeurs pécantes...
Mais non, ch'rigole... c'est juste que les ados parfois, ça vous casse l'ambiance... même un dimanche !!!

Écrit par : Pascale | lundi, 21 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

Des sourires...

Écrit par : melle philo | lundi, 21 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

J'aime bien.

Quant au film de ken loach ,ca donne envie pour sûr ... reste plus qu'à trouver un soir sans réunion, en même temps que le pingouineau en chef, et une bb sitter. Fastoche !

Écrit par : so | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

@Pascale : Tu ne dis rien parce que t'as pas aimé ou parce que tu as du mal à trouver tes lunettes aujoud'hui ???
@Mlle Philo : :-) :-) :-) ;-)
@so : Moi aussi j'aime bien. Et elle a raison de penser à moi Virgibri. La vieillesse, je commence à y penser. Peut-être parce que mon prochain anniversaire sera celui du demi-siècle. Mais j'ai décidé que je serais une vieille qui fait encore la fête, entourée d'amis jusqu'à la fin. Mais pas question de les laisser froisser les nappes. C'est quoi ces manières !

Écrit par : Ed | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

Je sais que "vieillir" te préoccupe, Ed. D'où ce clin d'oeil.
Mais il est peut-être trop perso' : c'est un vrai flop, au demeurant...

Écrit par : Virgibri | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

J’aime beaucoup, mais j’ai ressenti de l’angoisse en lisant ce texte, je vais le relire jusqu'à pouvoir lire sans malaise.
J’ai l’impression d’être face à un bloc de tristesse et de ne pas trouver une p’tite chose pour l’adoucir.

Écrit par : Vil coyote | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

@Virgibri : ben non, c'est pas un flop, mais y'en a qui commentent chez toi !
@Vil : Peut-être un bloc de tristesse parce que l'auteure avait 19 ans... (je fais exprès de mettre un e à auteure, pour l'embêter, l'auteure...) Mais son clin d'oeil, m'a fait très plaisir, en vrai !

Écrit par : Ed | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

A 19 ans, on n'est pas forcément gaie...
Beurk, le E de "auteure" ! lol

Écrit par : Virgibri | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

@Ed


L'inquiétude amène la vieillesse avant le temps.

Ben Sira

Tant que tu auras envie de mettre des gnons au nain, tu ne vieilliras pas...

Écrit par : Vil coyote | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

Vieillir nous préoccupe ?
Plus quand on est dedans. Comme dit la citation de Vil en quelque sorte...

Écrit par : Rosa | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

@Vil : et mon père aurait ajouté : La peur n'évite pas le danger !
@Rosa : Tu as sûrement raison. Allez, arrêtons de nous en préoccuper. J'ai bu un pot ce soir avec une jeune collègue qui a, quoi, 25 ans ? Et je m'en suis sentie plus proche que certains vieux c...s que je croise tous les jours.

Écrit par : Ed | mardi, 22 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

la vieillerie, c'est moche.

Écrit par : Agla | mercredi, 23 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

et sinon, elle va mieux Virgibri ?

ptain, comment ça m'a ruiné le moral dans les chaussettes, sa nouvelle… c'est moins drôle que l'enterrement de Carlos.

Écrit par : Agla | mercredi, 23 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

@Agla : Oui, mais pour vivre longtemps, c'est encore tout ce qu'on a trouvé ! Oui, ava mieux ! C'est vrai que l'enterrement de Carlos, ça devait être fun. En voilà un qui s'est marré jusqu'au bout, à coups de cuites à l'Oasis !

Écrit par : Ed | mercredi, 23 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

l'enterrement était super fun, et beau surtout.
"Carlos, ce chanteur populaire… qui ne se souvient pas de Rosalie, Big bisous, ou encore Papayoulélé…".
quel oraison funèbre !

Écrit par : Agla | mercredi, 23 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

Ce que j'aimais le moins chez Carlos , c'était ses potes. Mais ils sont encore là. Et ce que je préférais, sa mère, mais elle n'est plus là.

Écrit par : Ed | mercredi, 23 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

that's life !

Écrit par : Agla | mercredi, 23 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

@ Agla : Virgibri est un beau bébé de 32 ans, qui va mieux, merci. ;-)

@ Ed : merci d'avoir joué le jeu, malgré l'effet "soufflé" que cela a eu. :-)

Écrit par : Virgibri | vendredi, 25 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

@Virgibri : finalement c'est peut-être moi qui ai eu une mauvaise idée. Ecrire chez les autres, c'est délicat. Les visiteurs attendent leur ambiance habituelle, et soudain, les voici désarçonnés, sans voix.

Je me souviens qu'Aleks avait essayé de s'installer chez Max, et ça ne s'était pas trop bien passé. Aujourd'hui, je lis son blog avec grand plaisir.

Tu as donc droit à un autre cadeau. Une dédicace sur une BD du chat par exemple... :-)

Écrit par : Ed | vendredi, 25 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

Je compte bien l'avoir, cette dédicace, en effet ! ;-)

Écrit par : Virgibri | vendredi, 25 janvier 2008

Répondre à ce commentaire

Les commentaires sont fermés.