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jeudi, 27 décembre 2007
Velléités littéraires
Il y a quelques temps j'ai eu des vélléités d'écriture. Je devais participer à un concours de nouvelles, mais ayant "merdouillé" pour envoyer le résultat de mes cogitations, rien n'est jamais arrivé à destination. Alors que certains d'entre vous sont en vacances et sont peut-être affalés dans leur canapés après moult agapes, je publie donc un texte que vous aurez liberté de lire ou non :
Portion Incongrue
XS215 vit dans le troisième quartier, portion S2, et comme tous les soirs a posé son doigt sur la pastille rouge à droite de la porte, et le coulissement a provoqué le sifflement doux et familier qui semble lui murmurer « entre chez toi, ils n’y sont pas. » Il y a quinze jours encore, il pouvait garder son gant, ou utiliser sa main gauche, s’il en avait envie. Mais à présent, seul son index droit peut lui offrir calme et repos. Dans une boite en carton des années 2010, il a rangé toutes les clés de la maison. Il y en a des petites, des dorées, des cubiques à l’extrémité, une en forme de latte en plastique. Autant qu’il s’en souvienne, c’était celle du parking, une autre qu’il chérit, parce qu’elle est grosse, lourde, et qu’elle fermait sa chambre. Il les garde, ces clés qu’il pouvait prêter, qui ressemblaient sans le savoir à chacune des pièces dont elles étaient le sésame. La boîte, il ne la sort que la nuit, après une heure et avant trois heures, seule période où les projecteurs s’éteignent complètement. Alors, les caméras ne voient pas tout.
La porte à peine refermée, le détecteur de présence déclenche la diffusion de ces notes qu’il essaye de ne pas écouter. Tous les soirs, invariablement, le dimanche matin lorsqu’il revient de chez le buraliste où il achète chaque semaine le journal et une boite de pastilles d’iode, ou le matin quand il a terminé de promener son chien, il entend, sans même se rendre compte que c’est de la musique, la version métallico-aléatoire du concerto de l’Empereur de Beethoven. En fait il ne l’entend plus. Et pour cause, il enfile désormais des blokoreils qu’il a trouvés au même rayon que les pastilles. Dans ce magasin de la rue Kouchner, il peut tout aussi bien trouver des filtres à airs que l’on place dans ses narines pour supporter l’odeur de la rue, que des combinaisons jetables pour éviter les démangeaisons. La vie n’est pas si dure finalement, contrairement à ce que disent les radios subversives qu’il capte parfois par hasard sur son orditroni dernier cri. De toute façon ce soir XS215 s’en fout. YP12Q7 va venir. Elle lui a télépathé son heure d’arrivée, et il va pouvoir lui ouvrir. C’est la deuxième fois qu’il est ému d’amour. La première fois, le comité de préservation n’avait pas validé l’émotion qu’il ressentait pour G124XZ. Le 2 ne leur convenait pas. Alors il ne l’a plus vue. Il se demande parfois si elle vit toujours dans la même portion. Du temps de G124XZ, la musique ne jouait pas tout le temps. On avait encore le droit de prendre des minutes de silence. Sans abuser, bien sûr ! Il parait qu’un jour les projecteurs de plafond seront réglés exactement comme la musique. Il a du mal à penser qu’ils pourraient aller jusque là. Cela semble hier, les soirs où YP12Q7 le surprenait en venant l’attendre chez lui. Elle se fondait dans son intérieur douillet et lui préparait son repas préféré : champagne et huîtres fumées aux oignons. Ce soir c’est lui qui cuisine. Mais il a peur d’oublier l’heure. S’il n’ouvre pas, YP12Q7 ne pourra pas rentrer, et si une patrouille la rencontre dehors, plus tard que l’heure d’arrivée prévue, et sans son certificat de fin de soirée qu’il doit lui signer avant qu’elle ne s’en aille, elle finira la nuit dans la capsule de police la plus proche. Au magasin de la rue Kouchner, il a eu envie de lui acheter les lunettes que portait le robot de la caisse. Des montures bleu ciel comme les yeux de YP12Q7. Mais quand il a dit au robot : « Ils font les mêmes pour les hommes? », celui-ci lui a ri au nez sur l’air de l’Empereur, et il a compris qu’il deviendrait vite suspect s’il se permettait d’insister. Alors il est reparti, a glissé son index droit sur la pastille rouge, a entendu dans un sifflement « Entre chez toi, ils n’y sont pas » et il a pénétré dans la chaleur de son appartement, uniquement parasité par les sons métallico-aléatoires. Il regrette les lunettes, le cadeau qu’il ne fera pas, le sourire de son premier amour, les souvenirs bons ou mauvais de son enfance qu’on lui a effacés à trente ans pour qu’il ne perde pas son efficacité à son poste, et le fait de ne pas avoir osé demander des vacances. Cela fait quatre ans qu’il n’en a pas pris, alors il sait qu’il est sur la liste des libérables. Mais il ne veut pas se faire remarquer. Déjà, il y a six mois, il s’est permis de demander qu’on baisse le Concerto dans son bureau parce qu’il avait mal à la tête, et il sait que cela lui a valu un rapport. Alors, pour les vacances, il attendra l’année prochaine.
Il se remet à la cuisine. Sur la planche à découper, il place l’oignon et l’émince avec le couteau qui lui vient de ses grands-parents. Il aurait dû le faire enregistrer. Il y pense à chaque fois. Avec dextérité il émince. Il pense à YP12Q7, imagine sa démarche sur le trottoir d’en face, regarde l’heure, dans trois minutes, il ira lui ouvrir. Elle sera là, et pour un instant ils seront seuls, sans musique, sans le monde autour d’eux. Une mare de sang se forme soudain sur la planche à découper, au milieu, une phalange. Qui pâlit. Elle devient illisible. Plus jamais il n’ouvrira sa porte. Plus jamais il ne verra YP12Q7. Jamais la police ne la croira. Et jamais elle ne comprendra.
14:20 Publié dans Culture et plaisir | Lien permanent | Commentaires (51) | Tags : vive la vie, nouvelle



















Commentaires
Écrit par : Justine | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireTout d'abord, j'ai remarqué ton souci du détail: le nom du garçon commence par "X" et celui de la fille par "Y"... sauf que ce devrait être le contraire: les "gènes à testicules", c'est sur le "Y"!
Autre chose (qui est vrai):
Certains détecteurs d'empreintes digitales vérifient que le doigt est vivant (à la chaleur dégagée, je crois): l'usurpateur d'identité pourrait, en effet, amputer sa victime ou utiliser une photo ou un moulage!
Amitiés.
P.S. Fais attention où tu mets tes doigts!
Écrit par : Armand | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireEt ton blog aussi : il a mis 18 heures à s'afficher, le bougre ! Tu ne serais pas tentée de réduire à 15 ou 20 le nombre de notes affichées en page d'accueil ?
Passons maintenant aux choses sérieuses : la nouvelle !
Écrit par : Max | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireJ'adore cette histoire. La rue Kouchner, c'est génial. Ça me donne envie de revoir Retour vers le Futur.
Tu ne loupes jamais l'occasion de faire passer un message, c'est appréciable.
Amitiés.
Écrit par : Max | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaire@Armand : Y ou X ? Une tendance de ma part à laisser flotter la confusion des genres... Je prends soin de mes doigts. Merci.
@Max :1. les Justines sont nombreuses, hélas. Mais ne me font pas peur. Elle n'a pas vu mon "blinkie animé" du jour ! J'aime l'idée que l'on peut lire toutes les notes d'un coup. Mais j'y penserai.
@Max :2. Contente que ça te plaise.
Écrit par : Ed | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireNon ?
Comment se présente l’avenir d’XS215 ?
Écrit par : W.S | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Ed | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireT'as des autres en stock?
Écrit par : W.S | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Ed | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Ed | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : zaboutek | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Ed | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireM’enfin j’aime bien.
Écrit par : 2tafs | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Ed | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireTu n'aurais pas fait long feu dans la résistance :o))
J'aime bien aussi ta p'tite histoire, j'aimerais savoir en faire autant, mais c'est un exercice difficile.
Écrit par : Vil coyote | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireJe relirai tranquillemement demain ta nouvelle, mais les évocations à d'autres auteurs (conscientes ou non) me plaisent.
Juste comme ça, qui sont les "ils" de "Entre chez toi, ils n'y sont pas" ?
Écrit par : Virgibri | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : zaboutek | jeudi, 27 décembre 2007
Répondre à ce commentaire@Virgibri : je crois que c'est inconscient sans l'être.
@zaboutek : les oignons, ça ne me fait pas pleurer, je porte des lentilles de contact.
Écrit par : Ed | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireC'est magnifique je trouve et la fin laisse inconsolable ! Mais on le sait que les histoires d'amour finissent mal... en général !
Armand tu me fatigues... oups, ça m'a échappé !
Continue à "vélléiter" mon Dada, c'est beau.
Écrit par : Pascale | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentairePour info, quand j'étais interne, pendant deux ans j'ai pris tous mes repas au réfectoire sur le Concerto de l'Empereur...
Je recommencerai !
Écrit par : Ed | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireLe Concerto pour l'Empereur comme musique d'ascenseur !!!! J'aurais porté plainte moi !
Écrit par : Pascale | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Ed | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Virgibri | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Virgibri | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Ed | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentairece texte te ressemble et moi aussi j'y ai lu du 1984 et du farenheit mais bon c'est normal quand même de s'en inspirer quand on parle d'une société totalitaire...
biz mon petit cheval tourmenté...
Écrit par : emy | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireBon, sinon, sans vouloir être lourdingue, je te souhaite une bonne reprise !
Écrit par : Ed | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireSi y peut plus rentrer chez lui, il peut aller squatter chez YP12Q7. Reuzement c'est pas le kiki qu'il s'est coupé.
Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes finalement.
Écrit par : hervé | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireMerci pour la distraction, bien que ca ne soit guère réjouissant.
Écrit par : Steppen | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireUn petit goût de 1984 mais pas de plagiat pour autant, j'aime bien !
Écrit par : Aleks | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireNoyeux Joel !
Écrit par : so | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaire@Steppen : ceux-là peuvent se "détendre" en rentrant chez eux. Bon courage !
@Aleks : J'ai lu 1984 il y a bien longtemps, mais aussi Bradbury, Ira Levin, Zamiatine, alors si je pense "futur", forcément, je pense à eux...
@so : c'est vrai que j'écris rarement gai. C'est grave docteur ?
Écrit par : Ed | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireJe te taquine, l'essentiel étant de prendre du plaisir à écrire (j'en sais quelque chose...).
Pour des concours, vois ici: http://www.bonnesnouvelles.net/lesconcoursdenouvelles.htm
Biz et bon bout d'an !!!
Écrit par : zapette | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireMerci pour le lien.
Écrit par : Ed | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireTon histoire d'oignon me fait penser que tu essaies peut-être de nous convertir à la fameuse religion des "adorateurs de l'oignon".
Attention, les futurs convertis! Vérifiez chez Google: cela existe réellement!
Amitiés
Écrit par : Armand | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireC'est quand la prochaine ? ça m'a bien plu, à moi !
Écrit par : Madame D. | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Madame D. | vendredi, 28 décembre 2007
Répondre à ce commentaire@Madame D. : La prochaine ? Un jour où je ne m'y attendrai pas.
Et, euh, non je n'ai pas lu cette nouvelle. Est-elle accessible sur le net si l'on n'est pas abonné au quotidien ?
Écrit par : Ed | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Madame D. | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Ed | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Max | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaireça m'empêcherait de le déguster et toi, d'écrire.
Écrit par : Agla | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaire@agla : et après cela ferait trop de protéines dans la marmite !
Écrit par : Ed | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Agla | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaireBon, jeu de mots nul mais j'ai aimé ta nouvelle ! Tu aurais dû l'envoyer... (et la rue Kouchner, ha ha ha )
Écrit par : telle | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : telle | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaire@telle : flattée que tu aies aimé. Au prochain concours, je ne raterai pas l'occasion ! Un jour j'avais écrit un règlement intérieur futuriste de mon lycée, si je le retrouve, je te l'enverrai.
Écrit par : Ed | samedi, 29 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Max | dimanche, 30 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Max | dimanche, 30 décembre 2007
Répondre à ce commentaireÉcrit par : Max | dimanche, 30 décembre 2007
Répondre à ce commentaire2. Tu vois, quand on tape, on est moins performant que manuellement...
3. J'ai mis ça à tout hasard, d'un ton assez neutre, mais je me suis quand même posé la question.
Écrit par : Ed | dimanche, 30 décembre 2007
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