« ABUS DE COURRIER | Page d'accueil | QUAND JE L'AI VU ET ENTENDU AU ZAPPING J'AI ARRETE DE RESPIRER »
mardi, 19 octobre 2010
"JE DETESTE LES LYCEENS GREVISTES" Titre d'une page facebook...
Bien sûr nos élèves ne font pas tous la grève pour des raisons politiques ou économiques mûrement réfléchies. Bien sûr les tags sur le mur du lycée ne portent pas de messages existentiels ou philosophiques. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir des parents qui donnent une culture et une éducation politique. Et bien sûr, leur attitude est souvent comme celle des jeunes chiens, imprévisible, un peu mordante, difficilement maîtrisable. Ils ont entre 15 et 18 ans, ce sont des enfants. Mais pour autant, je ne crois pas que pour la majorité d’entre eux, faire la grève, bloquer le lycée (ou simplement essayer), manifester, soit purement une manière de sécher les cours.
On leur parle des premiers mouvements de grève lycéens, ils s’identifient, et sentent monter en eux solidarité et colère quand ils voient un ado se prendre une balle de flashball dans le visage. Ils n’aiment pas qu’on leur dise qu’ils sont manipulés. (Comme je n’aime pas qu’on me dise, quand je ne suis pas d’accord avec une décision politique, que j’ai besoin de « plus de pédagogie »), personne n’aime passer pour un simple d’esprit qui ne sait pas prendre ses propres décisions.
Alors ce matin, avec quelques collègues, on est allé les suivre du lycée au point de départ de la manif. Pas pour leur dire où aller, que faire. Mais pour leur montrer qu’on n’était pas « contre eux », que des adultes pouvaient être là pour être témoins, voire les protéger. Ils l’ont bien pris. Sont allés parler posément avec les deux policiers dans leur camion, qui eux aussi ont montré qu’ils étaient là pour eux, et non contre eux. Personne n’a hurlé à la violence quand une ou deux pommes de terre ont été lancées contre les grilles du lycée. La proviseure ne s’est pas cachée à l’intérieur de l’établissement, mais a parlé aux élèves comme à des élèves, pas comme à des casseurs.
Et dans l’ensemble, la manif s’est bien passée. Les slogans sont restés convaincus et sensés. Il y avait de la musique, mais pas trop, du bruit, beaucoup, pour dire notre ras-le-bol d’un gouvernement qui prend des décisions non justifiées, sans négocier, sans prendre en compte l’opinion publique. Contre un gouvernement formé de tellement de ministres dont on a la preuve qu’ils sont malhonnêtes. Contre des élus qui votent pour une réforme de NOS retraites, mais votent le maintien de LEURS privilèges.
Même si la réforme passe finalement, je ne regretterai pas mes 5 journées de grève, mes 8 manifs, mon blocage du rectorat, et les heures de cours où si peu d’élèves étaient là. Qu’est-ce que dix jours de cours par rapport à une vie ? Mes élèves, grévistes ou non auront vu que l’on peut s’opposer, que l’on a le droit d’être critique, et que parfois, l’on n’est ni entendu, ni respecté. Cela leur reviendra en mémoire, j’espère le jour où ils voteront, où ils auront des enfants, où ils seront profs ou au chômage. Et moi, cela me prépare aux futures batailles. Il y en aura, forcément.
C'était ma première grève. Mon père m'avait obligée à lire le texte de la réforme avant d'aller manifester. Depuis, la seule manière de faire entendre sa voix, c'est d'aller dans la rue. Depuis Allègre, les ministres s'autorisent à refuser de recevoir les syndicats. A chaque fois qu'on a pris du temps pour répondre à des pseudo-questionnaires ministériels, nos réponses n'ont pas été prises en compte, les réformes étaient déjà rédigées, bâclées. Pour la retraite, c'est pareil. Mais si je me tais le jour, je ne dors pas la nuit.
21:10 Publié dans Actus, Blog, Emotion, Humeurs, J'suis quand même un peu prof..., La connerie n'a pas de limite, petits détails qui n'échappent pas, Scandaleux, The noise of the boots, Total Respect | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : vive la vie, blog de femme, femme, femmes, educnat-ras-le-bol, retraites, manifestation, grève
Commentaires
Hé bé ! On t'a bien élevée, toi ! Il faut que tou obliges tes élèves à lire les textes avant d'aller jeter des cailloux (pardon des pommes de terre) mais je sais pas si ça va souffire pour sousciter oune Révolouçion... Allez, dors bien, je suppose que ces marches à pied répétées t'ont au moins fatigué les mouscles...
Écrit par : spleen | mardi, 19 octobre 2010
Répondre à ce commentairemerci pour ce beau texte que j'aurais aimé écrire. Je pense tout comme toi!
Bon ça permet pas un grand débat des gens qui pensent pareil mais ça fait du bien au coeur, non?
bises.
Écrit par : emy | mardi, 19 octobre 2010
Répondre à ce commentaire@spleen : oui, bien élevée, et j'espère qu'il en reste des séquelles. Je me sens au top de ma forme physique grâce à ces exercices répétés. Pour la révolution, oui, y'a du boulot... Mais j'ai toujours voulu être optimiste.
@emy : c'est un sujet sensible. Je pense qu'en fait, je ne souhaitais pas vraiment le débat sur l'un ou l'autre blog où des réactions contre les élèves grévistes paraissent. J'ai préféré, comme sur ces blogs, exprimer mon ressenti et mes opinions ici, sans montée d'adrénaline particulière, ni risque de faire exploser les passions. Mais ça me fait plaisir que tu sois d'accord avec moi.
Écrit par : Ed | mercredi, 20 octobre 2010
Répondre à ce commentaireC'est vraiment bien cette initiative de soutenir ces jeunes gens dans le dialogue et la compréhension. Comme toujours les casseurs sont "commandités" pour discréditer le mouvement.
Écrit par : Agathe | mercredi, 20 octobre 2010
Répondre à ce commentaire@Agathe : commandités ou pas, je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a une minorité efficace de jeunes assez décalés de notre société pour n'avoir comme envie que de casser, des magasins et des flics, et au passage des lycéens.
Dans ma ville apparemment, ils ne sont pas si nombreux, ou sont restés chez eux. Mais ici, je voulais surtout parler de mes élèves grévistes, absents des cours, présents dans les rues, et qui dérangent beaucoup de monde aussi.
Écrit par : Ed | mercredi, 20 octobre 2010
Répondre à ce commentaireMerci Ed. Je manque d'arguments aussi bien pour continuer à discuter avec certains que pour continuer à perdre de l'argent et des heures de cours. Les tiens me conviennent tout à fait.
Écrit par : Axel | mercredi, 20 octobre 2010
Répondre à ce commentaireEtre au contact des jeunes permet aussi ça :-)
Très beau texte qui me touche beaucoup et résonne (je n'ai plus trop de voix ce matin...et un peu mal au pieds mais manifester est important!). Merci pour tes mots
Écrit par : Breizh' | mercredi, 20 octobre 2010
Répondre à ce commentaire@Axel : eh bien figure-toi que cela m'a fait du bien de me poser et d'écrire ça, car je suis très instinctive sur le sujet et dans ma manière de réagir à ce qui se passe. Je ne pourrais pas faire autrement que de faire grève, et de défiler, crier ma colère, c'est tout.
@Breizh' : Oui, j'étais toute foubue hier : le vélo de chez moi au lycée (4 km 500), puis du lycée en ville à pied en poussant le vélo (2 km), puis la manif avec des allers et venues dans la manif (quelle distance ???) puis retour chez moi à vélo (2 km 500). Tout cela dans le froid et la pluie. Motivés, Motivés, qu'ils chantaient !
Écrit par : Ed | mercredi, 20 octobre 2010
Répondre à ce commentaire« merci pour ce beau texte que j'aurais aimé écrire. Je pense tout comme toi! »
Idem !
Écrit par : Max | vendredi, 22 octobre 2010
Répondre à ce commentaire@Max : 8-)
Écrit par : Ed | samedi, 23 octobre 2010
Répondre à ce commentaireCa devait etre choupinou de te voir pousser ta couvée, hors du nid pour aller manifester. On dit que certaines espèces font des milliers de km pour revenir sur les lieux de leur première manif, afin de transmettre leur savoir aux jeunes. C'est ton cas?
Écrit par : hervé | dimanche, 24 octobre 2010
Répondre à ce commentaire@Hervé : choupinette j'étais à 16 ans, choupinette je suis aujourd'hui ! Mais les parcours de manif ont changé.
Écrit par : Ed | dimanche, 24 octobre 2010
Répondre à ce commentaireLes commentaires sont fermés.